Autumn issue « Un coup de dés

Un coup de dés

Exercice de liaison et de déliaison

Sur les rapports entre création ET médiation à la lumière de l’art contemporain

Le BBB centre d'art est implanté à Toulouse dans une ancienne fabrique de bobines électriques industrielles. L’équipe accompagne des artistes contemporains dans le domaine des arts plastiques et visuels depuis 1993. La production, la diffusion des œuvres et les conditions de leur réception auprès des professionnels et des amateurs sont le quotidien, l’ambition et le travail au long court de nos métiers. Création ET médiation ? Telle est l’invite libre et la question posée à Christian Ruby.

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       Dans nombre des réflexions portant sur la culture du temps, les propos opposent encore création et médiation. Il est fréquent d’entendre les uns ou les autres figer chacune de ces notions dans un cadre impossible à déborder. Cette manière de geler les paroles, de les confiner dans l’isolement, est dommageable à la réflexion. Elle néglige surtout de rendre compte des articulations actuellement envisageables entre les activités culturelles vivantes.
       Nos recherches sur une histoire culturelle européenne du spectateur ont montré, qu’à l’évidence, on ne pouvait parler d’œuvres d’exposition (par différence avec les œuvres de culte), classiques, modernes ou contemporaines, sans référer au spectateur, autant qu’à l’artiste. Et que le spectateur est l’objet d’un art qui, en se renouvelant sans cesse, est susceptible de faire de lui-même une œuvre de soi. Ces dynamiques de la corrélation œuvre-spectateur peuvent ici devenir une source de réflexion pour ce thème : création et médiation, et surtout nous en indiquer les renversements potentiels.
       En un mot, se proposer de statuer sur les rapports entre création et médiation, c’est comprendre d’abord que les mots, comme les personnes et les activités désignées par eux, ne peuvent exister pleinement comme mondes séparés, sous peine de mort. C’est sur les liaisons – et/ou – qu’il faut insister et, en conséquence, sur les échanges possibles entre eux ou les renversements de leurs rapports. Encore faut-il apprendre à s’exercer, aussi, sur la fonction du « et », de telle sorte qu’il ne devienne pas le signe d’une totalité absorbante, mais coïncide bien avec l’exercice d’une pluralité pariant sur un devenir. Cette conjonction doit participer d’un frottement, laissant jouer des surfaces d’échange productrices d’énergies nouvelles de part et d’autre des rapports entre créateur et médiateur, dans la médiation interne à la création (acte et résultat), dans la création interne à la médiation, enfin, au sein du rapport de composition entre création et médiation.

Une séparation mécanique

       Quiconque connaît le champ de l’art sait qu’il n’enveloppe pas seulement des créateurs et des créations, mais au moins aussi des spectateurs et des médiateurs : marchands, intermédiaires culturels, personnels d’institution de la République, …
       Si l’on est familier de ce champ, on sait aussi que, depuis l’élargissement de la médiation culturelle (1980), entre créateurs et médiateurs, les rapports sont tendus, comme entre le singe et le chat de Jean de la Fontaine (dans la fable éponyme). Le plus souvent l’un et l’autre s’ignorent ou se placent en hiérarchie. Tantôt encore l’un croit s’apercevoir qu’il est dupé par l’autre. Le plus souvent, le brillant condottiere de la création a l’impression d’être devenu l’esclave des gens éminents de la médiation qui pourraient tout pour sa fortune.
       Or, qu’une telle distribution existe, c’est un fait, mais pas un droit, un héritage dont le déclin est mal vécu. Dans de très nombreux cas, elle fonctionne effectivement encore trop comme une sorte de partage des tâches. Chez les médiateurs, ce serait donc la relation publique qui primerait ; chez les créateurs, ce serait, de tradition, l’œuvre. La médiation ferait ensuite irruption dans la création, mais en la ramenant à des considérations qui ne sont pas primordialement les siennes, l’adéquation à un public et la jouissance de l’orgueil d’y réussir.  

Une première mutation

       Il convient de s’extraire de cette visée mécanique et séparatrice. L’art contemporain nous y dispose. Il incline à repenser la « création » artistique autrement. Il en appelle aux notions de « production de situations », recherche, fabrication d’expériences, archéologie du présent, activation d’énergie, provocation. La notion de « création » n’a sans doute plus de signification unilatérale.
       On sait que cette notion a des origines bibliques, même si elle a été retravaillée chez les modernes. On dit même que : « Dans la modernité, c’est la liturgie qui a fourni le modèle de l’activité de l’artiste, à travers un processus qui a atteint une pleine conscience de soi chez Mallarmé, mais qui a peut-être trouvé son apogée dans les performances contemporaines ». C’est écrit par le philosophe Giorgio Agamben (Opus Dei : archéologie de l’office, Paris, Seuil, 2012).
       De toute manière, la sécularisation et la mutation actuelle de la notion de création lui offrent de nouvelles possibilités : une conception de la création comme médiation, et non plus comme acte autoritaire. De surcroît, la « création » contemporaine se trouve prise dans une nouvelle corrélation : cette fois, avec le spectacteur. L’image de la création dans le spectateur est devenue un moment de la « création », comme de la création du « spectateur ». Cette dernière devient la médiation qui donne vie à la création. Autant affirmer que le dispositif spectatoriel vient ainsi en avant qui mue la création (l’acte et le résultat) en médiation.
       Non seulement l’œuvre passe ainsi pour médiatrice, mais c’est par la création, d’une part de l’artiste (il n’existe pas préalablement à sa démarche), d’autre part du spectateur, dont on se gardera d’oublier qu’il est lui-même trajectoire et devenir permanent, ou une pratique qui ne consiste pas à attendre, passif, la révélation d’une vérité transmise par l’œuvre.

Une deuxième mutation

      Si la médiation, ici culturelle et artistique, correspond bien à une fonction sociale cristallisée, ainsi qu’à une nouvelle profession dans la société contemporaine (même si elle ne sait pas toujours se faire valoir comme telle), au sein de cette fonction se jouent des pratiques de conjonction, des mœurs d’institution, des correspondances, et la définition d’une nouvelle visée commune (artistique, politique et esthétique) nécessaire ou possible. Dans notre société, des médiations extérieures (en général) existent plus ou moins, mais priment désormais des médiatrices et des médiateurs, des personnels dont la fonction est d’instaurer ou de faire procéder à l’instauration de relations au sein des actions culturelles.
       À ce rôle convient certainement une création de soi et de rapports qui demande à être prise au sérieux. On ne saurait faire l’impasse sur les médiatrices et médiateurs et leur approche de la culture, leur conception de la culture et des arts, et leur conception de leur rôle. Car là se répercute l’incidence de la conception adoptée de la culture, du public et de l’action médiatrice sur le discours et les pratiques portant sur les arts ou les œuvres de culture, les institutions à déployer, les expositions à présenter ou à commenter.
       De la conception de la culture, du public et de sa propre action, par la médiatrice ou le médiateur, auprès des amateurs ou du public, dépend aussi la compréhension ou la mécompréhension du discours ou des attitudes de ceux-ci relativement aux rapports sociaux et culturels. De ces données découle la conception que l’on se fait « de la culture des autres », qui évidemment, dès lors que sa propre conception de la culture devient normative, sont toujours « mineurs » ou « incultes ». Meilleure manière, dans de nombreux cas, de jouir à l’inverse de sa position « dominante » dans le domaine. Ou de comprendre qu’il importe de faire de sa médiation sa création d’une nouvelle dynamique de soi ou du rapport aux autres.

Chacun l’autre à son tour

       Autant affirmer que le champ de l’art, de nos jours, bénéficie d’une dynamique étrange mais centrale : celle d’une mise en mouvement perpétuel, au sein duquel l’art, sous chacune de ses formes (de la création à la médiation) serait tour à tour création et médiation. Voilà qui oblige à le penser comme en une œuvre de l’artiste Peter Downsbrough, hantée par la philosophie de Gilles Deleuze. Il est possible de produire autour de création et médiation un travail de coordination sans totalisation, ni système normatif de référence, un travail sur l’espace et l’écartement qui donnerait lieu non plus à des entités, mais à des amers à recoordonner sans cesse en archipels.  
       Cet autre mode de penser consiste à comprendre qu’il serait possible d’aimer la création et de pratiquer la médiation, d’être prêt à travailler pour l’une comme on est prêt à développer l’autre, et réciproquement.
       Encore convient-il d’ajouter que leur rapport, en mouvement constant, doit rester critique et supporter la contestation, un peu comme Michel Foucault en esquisse les linéaments, s’agissant de déjouer « la métastabilité des dispositifs institutionnels en s’appuyant précisément sur leurs caractéristiques fondamentales ; d’articuler différentes pratiques de manière, non seulement à conserver les puissances de contestations qui s’expriment avec vigueur et efficacité au niveau local, mais surtout de manière à les intensifier en établissant à partir d’un foyer de résistance identifiée avec précision certaines résonances avec d’autres luttes » (in Michel Foucault, un parcours philosophique, Hubert Dreyfus et Paul Rabinow, Paris, Gallimard, 1984, p. 287sq).

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       Les termes couplés proposés à notre réflexion, création et médiation, en fin de compte, se soumettent à toutes sortes de mouvements qui menacent et brouillent les propos figés et unilatéraux. Tant mieux. Autant affirmer que, pour nos jours, il convient de persévérer à s’interroger sur la communauté possible des artistes qu’on nommait jadis « créateurs » et des médiateurs, à la lumière de l’art contemporain. Ce qui revient aussi à interroger la notion la plus absente des discours et travaux contemporains : la spectatrice et le spectateur, même mués successivement en regardeurs, spectacteurs, activateurs, viveurs, percevants, …

 

  • Etienne Cliquet, 'Allée froide – datacentre d’art', peinture murale supercalculateur Le Colosse, Québec, 2013 – coproduction BBB centre d’art et La Chambre Blanche
  • Etienne Cliquet, 'Circuit béant – datacentre d’art', peinture murale, société Fullsave, Labège, 2013, photo. Yohann Gozard – production BBB centre d’art
  • Alain Bernardini, 'L’origine. Recadrée. Porte-Image, Guillaume, Chantier Giraud BTP, Borderouge Nord, Toulouse 2013', production BBB centre d’art /  commande publique photographique – CNAP
  • Alain Bernardini, 'L’origine. Recadrée. Porte-Image, Gaël, Chantier Neapolis, Borderouge Nord, Toulouse 2013', production BBB centre d’art /  commande publique photographique – CNAP
  • Vincent Lafrance, 'La vie de moi', capture vidéo, 2009 – production BBB centre d’art

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Pour en savoir plus :
Christian Ruby, Docteur en philosophie, enseignant (Paris). Derniers ouvrages parus : L’archipel des spectateurs (Besançon, Éditions Nessy, 2012) ; La figure du spectateur (Paris, Armand Colin, 2012).
BBB – centre d’art

 

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EDITO

DES FORMES DE DISTANCE

Certains événements récents m’ont amenée à réfléchir aux concepts d’échelle et de distance. Le premier pensé en termes méthodologiques, le second en termes moraux, tous deux considérés d’un point de vue historiographique. En tant que curatrice, j’ai développé des recherches sur des sujets liés aux histoires coloniales qui appellent à un réexamen constant du point de vue que l’on adopte et de l’endroit d’où l’on parle. De plus, un projet (exposition ou autre) n’est pas indépendant de ses conditions de production et de réception, et il est impossible de l’extraire du contexte dans lequel il existe. La distance devient alors une notion cruciale tout comme sa sœur artificielle : la distanciation (pour employer un terme brechtien) qui est sans doute nécessaire comme forme de traduction et de relation à la réalité.

Après avoir lu les contributions d’une grande richesse présentées sur uncoupdedés.net, célébrant la décentralisation institutionnelle en France, j’ai pensé qu’il serait utile de reconsidérer la place de l’échelle – ou plutôt des changements d’échelle – et de la distance dans la production de l’art contemporain, ou dans la manière dont nous pensons l’art comme moyen d’approcher la réalité. Bien entendu, il ne s’agit pas d’en parler dans l’absolu, en termes universels, mais plutôt de proposer une lecture nuancée de la manière dont un réseau décentralisé, auquel uncoupdedés.net donne une existence visible, montre la pertinence de ces nombreuses façons d’opérer à différentes échelles au sein de l’entité géopolitique qu’est la France métropolitaine. En un sens, tout ceci renvoie à une expression qui semble désormais éculée : la production de savoir.

La collaboration d’Edouard Sautai avec le Centre d’art et de photographie de Lectoure amène d’emblée à considérer les conséquences d’un changement d’échelle. En évoquant le fait de voler, ce qui permet d’observer une réalité avec un certain niveau de détails, mais aussi de fabriquer des modèles réduits pour représenter cette réalité à une autre échelle, Sautai m’a fait penser à Bernard Lepetit et à ses considérations sur la relation dialectique et l’oscillation constante entre micro et macro. Pour Lepetit, la fabrication d’un modèle réduit  « n’opère pas une distinction entre les différentes parties de l’objet, mais entre les différentes dimensions dans lesquelles celui-ci se déploie » (Bernad Lepetit, « Architecture, géographie, histoire : usages de l’échelle », dans Genèses, 13, 1993, p. 129). De même, le récit fictif d’Aurélien Mole sur le potentiel futur de la recherche à partir des marges interroge l’importance de certaines micro-réalités, afin de saisir des macro-perspectives plus vastes.

Mais c’est peut-être la question de la distance qui m’intéresse le plus ici. Dans la recherche artistique – et il nous faut certainement prendre en considération ses modes d’existence et ses qualités, comme c’est le cas dans l’entretien de Jean-Pierre Cometti avec Eric Mangion réalisé pour le Centre national d’art contemporain de la Villa Arson –, la distance est parfois créée et annihilée d’un même coup ; ou alors elle est mise en œuvre dans une des dimensions du projet puis supprimée dans une autre. L’œuvre de Stephen Willats offre probablement l’exemple de cette interaction dialectique dans un contexte où l’artiste s’incarne dans le travail photographique, dans la distance relative entre l’appareil et ce qu’il vise. Cette distance, au travers de la composition, permet une intimité immédiate tout en donnant paradoxalement une impression d’éloignement. D’un autre point de vue, l’idée selon laquelle l’hospitalité réduit la distance est mise en scène de manière théâtrale dans l’intervention de Berdaguer + Péjus sur le bâtiment arrière du Centre d’art contemporain la Synagogue de Delme : l’espace y est pris dans ses dimensions physiques, affectives et fantomatiques et permet de matérialiser les multiples directions dans lesquelles la distance opère.

Carlo Ginzburg s’intéresse, en les actualisant, aux différentes implications morales de la distance, tant par rapport au temps qu’à l’espace (Carlo Ginzburg, “Killing a Chinese Mandarin: The Moral Implications of Distance”, dans Wooden Eyes: Nine Reflections on Distance, Verso Books, 2002). Pour l’historien, le caractère inévitable de la distance dans le temps (le passé s’allongeant en permanence et l’avenir se rapprochant constamment) contre laquelle on ne peut rien, peut être contrebalancée par la manière dont on enregistre et écrit le passé. La distance s’inscrit souvent dans le temps et l’espace par le détachement ou l’oubli, mais aussi par l’admiration et le désir – ou peut-être parfois comme un entrelacement paradoxal de certaines de ces possibilités. (Ici, je trouve intéressant le récit fictionnel de Valérie Mréjen dans la contribution de La Chapelle Saint-Jacques publiée par uncoupdedes.net, où le contraste et l’entrelacement complexe entre le temps universel et le temps ressenti deviennent évidents.) Si l’on transpose cette idée au champ de l’art contemporain, le cadre spatio-temporel du projet artistique agit à plusieurs niveaux : de la grande proximité à la prise de distance, niveaux qui sont souvent transcendés ou matérialisés par la mémoire et la documentation – la contribution d’Elie During, en lien avec sa visite du Cneai, en atteste à travers un diagramme. Mais si l’expérience est au cœur de l’acte artistique, la forme devient dans ce cas un moyen de raccourcir ou d’allonger la distance par rapport à l’objet visé. L’intervention d’Adva Zakai sur uncoupdedés.net – qui prolonge sa collaboration avec Le Quartier, Centre d’art contemporain – est une performance qui a lieu dans l’espace-temps d’un site web, un acte qui donne forme et permet de faire l’expérience d’un lieu où le sujet n’est pas représenté, mais incarné par les mots.

Quant à un sujet plus souvent traité : la relation, et de fait la distance relative, entre un artiste et un contexte, celle-ci est problématisée à travers plusieurs expériences dont rend compte uncoupdedés.net. Outre l’œuvre de Stephen Willats mentionnée ci-dessus, on pourrait se référer, de façon assez explicite, aux stratégies de Claudio Zulian qui consistent à travailler, en tant que réalisateur, avec certaines communautés (décrites sous le prisme de la notion d’empowerment) ou aux interrogations éthiques soulevées par l’expérience d’une implication personnelle en tant qu’artiste dans la gestion de déchets nucléaires. Peut-on invoquer une définition normative de la distance et donc une forme recommandée de responsabilité qui constituerait une réponse précise à un contexte donné ? Il me semble que Dora García et Jean-Pierre Cometti abordent cette question lors de leur réflexion sur ce qui constitue une œuvre d’art ; pour Dora García, elle est une forme de relation entre l’auteur et l’audience, et ne peut donc être prédéterminée ou dictée en des termes absolus.

Mais qu’en est-il de la proximité ? Qu’en est-il de la relation physique, incarnée, à l’objet dont on s’éloigne ou se rapproche ? Qu’en est-il des affects ? Les producteurs sont influencés par ceux auxquels ils destinent leurs  « produits ». C’est le cas dans le texte de Matthieu Saladin sur l’œuvre de Cornelius Cardew présentée en 2009 au Centre d’art contemporain de Brétigny : « [L’écoute] agit directement sur sa propre source et se distingue comme une activité qui, dans la production collective, génère une réflexion sur ce qui est entendu. Dans l’écoute ne prennent pas seulement place les affections passives car l’écoute affecte, en retour, ce vers quoi elle est dirigée » (Matthieu Saladin, « Comme un nuage suspendu dans le ciel », publié sur uncoupdedés.net, 2013.) Il est possible que l’espace interstellaire ne soit pas si lointain dès lors que l’on invoque son éloignement comme une forme de proximité avec ses propres pensées. Mais c’est aussi en observant le ciel que l’on peut voir le passé, en supprimant la distance physique qui nous en sépare, comme le fait remarquer merveilleusement bien Emmanuelle Pagano : « Penser, c’est se rapprocher autant que possible du présent absolu, mais nos pensées, nos émotions, nos souvenirs prennent du temps pour voyager en nous-mêmes, pour se répartir entre nos sens. Observer l’espace, c’est regarder ce qui s’est déjà passé, observer l’espace est toujours empreint de nostalgie » (Emmanuelle Pagano, « Veilleuse », publiée sur uncoupdedés.net, 2013.)

A PROPOS

Fort de son succès et de sa visibilité, uncoupdedés.net réactive et soumet le contenu existant à de nouvelles voix. En 2014 et 2015, plusieurs personnalités étrangères sont invitées, le temps d’une saison, à devenir nos éditorialistes. Il s’agira pour eux de mettre en perspective l’ensemble des contenus du magazine, et de les redéployer au prisme de leur subjectivité et de leurs propres contextes de travail.

Quatre personnalités reformuleront l’action des centres d’art dont ils auront pu percevoir divers aspects à travers le magazine : Catalina Lozano (Colombie), Zasha Colah (Inde), Moe Satt (Myanmar) et Manuela Moscoso (Brésil) : chaque rédacteur en chef « après coup » livrera ainsi un texte transversal, revisitant de façon originale la géographie résolument mouvante des centres d’art.

uncoupdedés.net réitère le défi à la manière du poème de Mallarmé, relancé par la science du montage cinématographique de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet (Toute révolution est un coup de dés, 1977). Les invités, provenant d’horizons multiples, élargiront encore davantage le cercle de la parole. Chorale et fragmentaire, uncoupdedés.net tient autant du puzzle que du memory et en appelle naturellement à tous les redécoupages possibles…

ZASHA COLAH

(Bombay, Inde)

Zasha Colah a co-fondé blackrice au Nagaland en 2008 et la Clark House Initiative à Bombay en 2010, après avoir étudié l’histoire de l’art à l’université d’Oxford et avoir suivi la formation curatoriale du Royal College of Arts à Londres. Elle a été la curatrice en charge de l’art moderne indien à la Fondation Jehangir Nicholson au sein du musée Chhatrapati Shivaji Maharaj Vastu Sangrahalaya de 2008 à 2011 et responsable du service des publics à la Galerie nationale d’art moderne de Bombay de 2004 à 2005. En 2012, elle a co-édité In Search of Vanished Blood, une monographie de l’artiste Nalini Malani pour la dOCUMENTA (13). Elle a été la commissaire de deux expositions sur la scène artistique birmane : Yay-Zeq: Two Burmese Artists Meet Again à l’ISCP à New York et I C U JEST à Kochi (Japon).

CATALINA LOZANO

(Bogota, Colombie)

Commissaire d’exposition indépendante et chercheuse, née en 1979. En 2011, elle a cofondé la plateforme curatoriale de_sitio à Mexico où elle vit. Catalina Lozano a étudié l’histoire (Universidad Nacional de Colombia), les cultures visuelles (Goldsmiths College, University of London) et la théorie et pratique du langage et des arts (École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris). Récits mineurs et relecture des discours historiques dominants sont au cœur de son travail. Parmi ses derniers projets : Une machine désire de l’instruction comme un jardin désire de la discipline (MARCO, Vigo ; FRAC Lorraine et AlhondigaBilbao, 2013-14), Being an Island (avec Kasha Bittenr, daadgalerie, Berlin, 2013), La puerta hacia lo invisible debe ser visible (Casa del Lago, Mexico, 2012), ¿Tierra de nadie? (Centro Cultural Montehermoso, Victoria-Gasteiz, 2011) et Everything has a name, or the potential to be named (avec Anna Colin, Gasworks, Londres, 2009). De 2008 à 2010, Catalina Lozano était responsable du programme de résidences de Gasworks (Londres). Elle fait partie de l’équipe artistique de la 8ème Biennale de Berlin (2014).